Philosophie de la matière
L’expérience que nous avons du monde qui nous entoure, grâce à notre propre corps, à nos sens, et à travers l’expérience d’un travail qui le transforme, éveille notre désir de le connaître pour lui-même : « Tous les hommes désirent par nature connaître » nous dit Aristote, « l’amour des sensations en est le signe » (Métaphysique, A, 1).
Or ces réalités, que nous aimons voir, toucher, ces réalités que nous avons peut-être transformées par notre art, comme celles qui nous dépassent, existent dans un devenir propre à leur matière : le bois n’est pas le marbre, le sable n’est pas l’eau.
Quelle intelligence pouvons-nous avoir du devenir de ces réalités naturelles dont nous avons l’expérience ?
Principe et cause du mouvement
La philosophie a une connaissance du devenir par ses causes propres. L’expérience de ce qui-est-mû nous conduit à la découverte de la physis : la nature, principe et cause de mouvement. Ces réalités naturelles ont à la fois une capacité radicale de changement (elles sont « en puissance »), et une détermination ; elles ont la capacité d’agir sur d’autres comme celle de subir leurs influences… C’est pourquoi la nature, que l’on découvre comme l’origine du mouvement, s’explicite comme nature-forme et nature-matière. Et elle comporte une certaine fin, imparfaite : l’aboutissement du mouvement, toujours capable de se reprendre.
Si les sciences modernes en restent à une description du devenir grâce à l’outil mathématique qu’elles utilisent, la philosophie réaliste ne quitte jamais le jugement d’existence « ceci est », même dans la connaissance du devenir, puisqu’elle considère « ce qui est mû ». Elle donnera donc, en définitive, une lumière qui lui est propre sur le devenir, en distinguant l’être et le devenir et en découvrant le devenir comme une manière d’exister. Et elle permettra ainsi d’avoir une connaissance unique de la lumière et du corps humain, qui sont en quelque sorte les deux sommets du monde physique.